samedi 5 avril 2008
Au début était le pêché
Et oui la Fan-Club c'est aussi ça. Presque 3 analyses de films en quelques minutes en plein coeur de la nuit. Le défi était trop beau. Il est 2h55, je vais tenter moi aussi de vous livrer l'essence même d'un chef d'oeuvre d'ici.
1996 année charnière. David Fincher revenu des enfers extra-terrestres nous livre son nouveau film sans crier garde.
"Se7en".
Le film de Fincher s'impose à plusieurs niveaux comme un classique du cinéma américain. Il est d'abord au commencement de toute une vague de mauvais film "de serial killer", les réalisateurs de ces dits films "de tueurs en série" n'avait en fait rien compris, et ce, dès le départ. Les plus feignants feront même l'erreur de le comparer à un autre classique : "Le Silence des Agneaux" de Jonathan Demme. Les deux métrages n'avaient pourtant rien à voir, ni dans la forme, ni dans le fond. David Fincher avait prévenu dès les premières interviews: "Mon film est autant un film sur les tueurs en série que Jaws est un film sur les requins". Le ton était donné. Les 7 pêchés capitaux n'étaient qu'un prétexte, l'occasion de vomir la société qui nous entoure.
Mais de quoi Se7en parle-t-il en fait ?
Du mal profond qui nous guette tous lorsqu'il ne nous ronge pas déjà. De cette apathie permanente. De l'indifférence de la foule. De nos échecs. De justice masquée en pitoyable vengeance. D'espoir gâché. De vies sacrifiées.
Mais revenons au film lui même. Quelques minutes après le début de la bobine le son d'un métronome (qui finira brisé sur le sol un peu plus tard, quand plus rien de fonctionnait) nous emporte vers un générique mythique qui amènera son auteur Kyle Cooper vers la renommée mondiale. On a pas fait beaucoup mieux depuis, il se mettra d'ailleurs encore en valeur, entre autre, sur "L'île du Dr Moreau", film minable mais au générique fascinant. Le tout enveloppé par la voix de Trent Reznor, cerveau de NIN. Le spectateur est à ce moment là mis sous pression. Et personne ne viendra le sauver.
Brad Pitt encore jeune premier vient faire ici ses premières vraies armes devant la caméra de celui qui lui donnera ses meilleurs rôles, en attendant "The Case of Benjamin Button"... Face à lui, dans un premier temps, à ses côtés à la fin, comme un père, Morgan Freeman, en ancien du precinct du coin, donne dans le Morgan Freeman. Sobre, juste, et fin.
La jeunesse et la fougue du premier viendront s'échouer inlassablement sur les rivages du second, blasé, éreinté, fatigué, usé.
La ville elle-même fait figure de personnage, baignée d'une interminable pluie somattre, nombre de fois accusée d'être le coeur des maux de Gwyneth Paltrow, femme de Brad Pitt à l'écran comme à la ville à l'époque. Notamment lors d'une magnifique scène en tête à tête avec freeman, dans un dîner, avec comme sujet au menu, mettre au monde, ou pas, cet enfant qui ne verra finalement jamais le jour. Morgan Freeman y répondra de la plus belle des manières.
Comme je n'imagine pas que les lecteurs de ces lignes n'aient pas vus le dit film, je vais donc parler de Kevin Spacey.
Incarnant l'inébranlable machine à tuer du métrage, Spacey tout droit sorti de Usual Suspect vient en remontrer aux deux agents. Et plus encore. Livrant une partition habitée, l'acteur dans un ultime triangle verbale au sein d'une voiture banalisée qui les mènera vers l'inéluctable, donne toute sa dimension à ce personnage détestable et pourtant si ambigu. La grande force du scénariste, Andrew Kevin Walker, dont c'est le premier scénario, est d'avoir fait de john Doe le côté obscur de chacun d'entre nous. La face sombre du moi.
Fincher pas encore libéré de tous ses tiques de clipeurs donne tout ce qu'il a, comme pour effacer l'échec cuisant d'Alien 3. Darius Khondji, chef opérateur français éclaire magnifiquement le formidable travail de décoration d'Arthur Max. Jeff Cronenweth, qui sera sur "Fight Club" chef opérateur à son tour, est derrière la caméra. Et enfin Howard Shore offre ses violons au pire. Tous jouent la partition au même rythme, comme une seule et même personne.
Sans aucune concession, le réalisateur et son scénariste sacrifieront la mythique happy-end sur l'autel d'un monde en décomposition. Et comme pour se moquer achèveront le sanglant "chef d'oeuvre" de John Doe sous un soleil de plomb. La fin de tout se fera sous une insupportable chaleur, renvoyant un peu plus à cette impression d'étouffement et de pesanteur.
Une chute sans fin en ce milieu de décennie. Et les spectateurs du monde entier n'avaient quasiment jamais vus ça. Pire encore, ils en redemandaient, le film remportant un phénoménal succès qui coûtera finalement la tête à Bill Mechanic, patron de la Fox, quelques années plus tard...
A la fois actionner, thriller, critique de notre monde, "Se7en" incarne ce genre perdu; le film des années 70. Renvoyant à l'un de ses plus flamboyants représentant: "Klute". Un autre classique. D'ailleurs comme pour prendre son monde à revers tout en embrassant une fois encore la décennie bénie du cinéma américain, Fincher, 11 ans après accouchera de son meilleur film à ce jour: "Zodiac". Étourdissant de virtuosité et de maniaquerie, l'oeuvre d'un malade génial.
Dans un superbe scandale silencieux "Se7en" ne remportera aucun Oscar (comme "Heat" et "Casino" sortis la même année).
Le deuxième film de Fincher reste à ce jour l'un des plus fiers champion du cinéma de genre américain. C'est bien simple, il n'y a bien que "Zodiac" qui depuis a fait mieux. Fincher bat son propre record du monde dans une discipline sans réel concurrent.
Une citation d'Ernest Hemingway viendra parachever 2h10 de souffrance, le personnage de Morgan Freeman la décapitera pour n'en garder qu'une partie, le monde n'étant définitivement pas un bel endroit.
Se7en est un film désespéré, sombre, du noir le plus inquiétant, puant la défaite. Il est la fin de tout espoir, un cauchemar, la victoire du mal déguisé d'un costume d'ange.
Vous êtes prévenu, il n'y a ici, aucune issue.
Amen.
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9 commentaires:
C'est du coup, vachement moins drôle que les Mystery Men comme film !
Je reviens rapidement sur le scénario, brillant mélange de symbolisme ET d'intrigue. Tout film qui te laisse dans l'état post-projection de Se7en (toi même tu sais lecteur, que quand le générique inversé est arrivé tu étais dans un état second, entre le "j'en redemande" et "je suis écoeuré".) est de toute manière un bon film. Au moins au sens émotif.
On se demande souvent si ce film veillira bien. 13 ans après, il accuse légèrement les années sur la forme (les tiques), mais définitivement pas sur le fond. C'est ça le plus triste. Il avait raison.
Snake Eyes
au fait t'as pas signé mais tout le monde devinera facilement je pense....hehehe, la nostalgie.
Snake Eyes
Ai-je vraiment besoin de signer ce papier sur Fincher ?
;)
T'es beau et t'écris bien toi !
Coco-bihan.
j'ai pas revu le film depuis que je l'ai acheté en dvd, il est tellement pesant qu'il absorbe toute joie de vivre. C'est un truc de fou de te faire ressentir ça juste avec un bout de pélicule.
Mortadelle
Mais c'est bien écrit tout ça ...
Tout est dit.
Désolé je ramène ma fraise pour faire mon chieur.
Autant je suis d'accord sur tout ce qui est dit sur le film, autant en temps que spécialiste du beau Brad je peux pas laisser dire ça "Brad Pitt encore jeune premier vient faire ici ses premières vraies armes devant la caméra de celui qui lui donnera ses meilleurs rôles". Premièrement, il n'était déjà plus forcément le jeune premier et deuxièmement il a joué dans plein de films différents certes mais qui ont également marqué l'histoire. Pour le "il n'était plus le jeune premier", je me souviens d'un mec qui fumait de la beu dans true romance, ou d'un mechant vampire dans interview avec un vampire ou pire, un méchant tueur psychopate avec ma douce Juliette Lewis et le tout bon duchovny dans kalifornia... Sinon dans la même période que seven, il est apparu dans l'armée des douzes singes ou sleepers, c'est quand même pas des films de daube... et puis il a fait quelques autres films terrible après. Donc je crois que ta phrase est un peu abusé sur les bords... sinon le reste est nickel.
Cher Panda meetic,
Je suis navré mais le rôle de Brad Pitt dans "entretien...", "Kalifornia" ou "true romance" (quasiment un cameo pour les deux derniers), ne resterons pas dans l'inconscient collectif comme son personnage de "Se7en".
D'abord parce que les films cités sont loin d'être aussi bon que celui du père Fincher et ensuite parce que, encore une fois, c'est bien avec ce film qu'il décolla réellement.
Pour ce qui est de "l'armée des douzes singes", le film se situait après la sortie de "7", et Brad n'était pas loin du cabotin chasseur d'Oscar.
Pour ce qui est de "Sleepers", malgré une distribution superbe, le film n'en reste pas moins chiant à mourir.
Alors que dans ce film le regretté Vittorio Gassman nous sort une magnifique réplique reprise plus tard par Akhenaton :
-"Vous aimez les pigeons ?"
-"J'aime tout ce qui ferme sa gueule".
J.
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