2000-2009, quand on compte bien, ça fait 10 ans. Je me suis demandé comment s'était passé cette décennie cinématographique. Il fallait faire le point, sinon avec les orteils, au moins avec les bobines. En grande partie traumatisés par les événements du 11 septembre 2001, ces 10 ans livrent plusieurs constats. D'abord, la continuité d'oeuvres importantes comme celles de Spielberg et Eastwood qui, point commun les réunissant, vieillissent parfaitement avec leurs médiums et leurs thèmes. Ensuite, dans le sillon du premier épisode de la trilogie Matrix et de La Menace Fantôme de Georges Lucas, la vulgarisation des effets spéciaux de "synthèse". Ou comment cette décennie a tué les maquettes. De nouveaux auteurs sont venus s'imposer, d'autres ont confirmé. Et certains, tristement, ont disparu (Carpenter, Mc Tiernan, Cimino-qui lui n'est pas revenu pour être exact). Si Fincher, Jackson, Gray, Nolan, Del Toro, Apatow, Anderson commencent à asseoir leurs positions sur Hollywood, Mann et Ridley Scott représentent parfaitement la génération précédente qui arrive à maturité. Celle qui commence à gérer, sans cesser d'innover. Tony Scott s'auteurise, Oliver Stone va et vient, Shyamalan est descendu aussi vite qu'il est monté. Dans la génération intermédiaire, Raimi et les Coen continuent de nous surprendre, avec l'irrégularité qui les caractérise. Tarantino a prit le contrôle de la planète geek, mais ses chef-d'oeuvres sont définitivement restés dans les 90's, époque à laquelle il est rattaché corps et âme. Burton coule à pic, Argento est ridicule, Scorsese va mal, De Palma a semble-t-il baissé les bras, pendant que Coppola retourne à l'université. Lucas a terminé son ouvrage, sans gloire réelle, sauf celle des dollars. Sa marque restera cependant indélibile dans la pop-culture, et la magie du cinéma du futur s'écrira avec sa plume synthétique, ça, personne ne lui enlèvera. Bruckheimer a fini de prendre le pouvoir sur l'entertainment, et nivelle les choses vers le bas, bien aidé par son poulain Michael Bay (des fois c'est jouissif, quand même). Les acteurs tout-puissant se nomment Di Caprio, Crowe, Bale, Smith, Pitt, Depp ou Clooney. Depuis la chute de Julia Roberts, la position des femmes de premier plan a quelque peut changé, si bien qu'elles sont maintenant toutes, malgré le talent de certaines (Theron, Berry, Winslet), repassées dans l'ombre des stars masculines. Ou dans celle de Meryl Streep, qui ne mourra jamais. Pour finir, James Cameron est revenu des abysses pour nous offrir ses rêves de futur (quelle claque!) et nous avons vécu la première décennie cinématographique sans Stanley Kubrick.
En France, la dégradation continue, même si Audiard, Dumont et Beauvois représentent une belle résistance (Gondry n'est plus "français" depuis longtemps, et Aja ne le sera plus très bientôt) à ces horreurs sur pellicule dont nous abreuvent Besson, Jeunet, Langmann, Marchal et Cie. Le cinéma d'alcôve a toujours la côte.
Si les 90's furent le zénith de la créativité du cinéma asiatique, l'âge d'or qui le fit connaître au monde à travers ses génies contemporains (Hark, Woo, Kitano, Fruit Chan, Wong Kar-Waï...), les années 2000 ne lui seront pas bénéfique. La hype qui l'a entouré lui aura été fatale. Toute la production hong-kongaise sort en dvd, ce qui est mal, vu que cette ville a toujours produit beaucoup de merde. Jonnie To ne peut pas tout faire lui-même. C'est pourtant pas faute d'essayer. Les sud-coréens vont mieux, comme ce bon vieux Park Chan Wook. Si quelqu'un sait où est passé Kitano, qu'il lui dise de revenir. On peut néanmoins saluer la dimension qu'a enfin pris Donnie Yen, qui redonne au cinéma d'art martiaux une crédibilité et une rage qui avaient disparu depuis Fist of Legend et The Blade.
L'animation japonaise vit toujours des heures glorieuses, mais c'est surtout sur le petit écran que les choses bougent. Hormis Ghost in the Shell 2 et le voyage de Chihiro, chef-d'oeuvres instantanés, beaucoup de films ont soit copié Oshii ou lamentablement essayé de marcher dans les pas de Miyazaki. Le studio IG tire sont épingle du jeu, avec Blood, The Last Vampire et la partie animé de Kill Bill Vol 1. C'est en Californie que l'animation rentre dans une nouvelle ère. Pixar a pris le contrôle, derrière Lasseter, qui s'est empressé de rouvrir le département 2-D des studio Disney, que des pontes scabreux et ignorants de ces même studios avaient fermé. Parce que oui, Pixar a "racheté" Disney. Et livré les meilleurs films d'animation de la décennie, loin devant tous les autres copieurs sans génie que sont Fox ou Dreamworks.
En vrac : Indiana Jones et McClane sont morts. Harry Potter règne sur le box office, aux côtés de Frodo et Aragorn. Alien et Predator ne sont plus fréquentables. Les super héros sont à la mode, et la mode comme chacun sait, la plupart du temps, ça craint. Tom Cruise continue d'agiter le drapeau des 80's comme il peut. Ben Stiller est un génie. JJ Abrams va finir par prendre le contrôle. La comédie US s'inspire enfin du Saturday Night Live, sans essayer de le pasticher, et ressuscite majestueusement. Hans Zimmer est devenu un grand, John Williams est éternel, Ennio "The Genius" Morricone" a enfin reçu un Oscar, fut-il d'honneur. Jarmusch n'amuse que Telerama et les Inrock, comme Christophe Honoré d'ailleurs. Will Ferrell règne sur le rire. Le festival de Cannes est fatiguant, les Césars ne seront JAMAIS les Oscars. Von Trier a enterré Kidman, et ça c'est bien. Joaquin Phoenix se met au rap. Où est Antonio Banderas? Terence Malick n'en a rien à foutre du cinéma. Bob Rodriguez prend du galon et a mit sa playstation mexicaine de côté. On a cru en Florent Émilio Siri et son Nid de Guêpe. Jusqu'à ce que Bruce Willis le prenne en otage. On a failli subir plus de Michael Youn. Vincent Cassel et Richet auraient pu. Tavernier finit mieux qu'il n'a commencé la décennie. Les jeux video, c'est bien sur console. Bond est revenu, puis est reparti se cuiter à coup de Martini-Dry. Bryan Singer a violé Superman. Je me retourne au milieu de la projection de The Prestige et affirme à Mazz "t'as conscience qu'on est devant un chef-d'oeuvre ?". Cars divise et divisera. Je peux pas tout résumer, vous comblerez les blancs avec talent.
Je pense que c'était quand même 10 belles années de cinéma. Ci-joint, ma sélection, mon Top, mes 10 films les plus importants des 10 dernières années. Un pont entre le cinéma qu'on a connu, et celui qui arrive.
10- The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford
Le Western ne mourra jamais. Brad Pitt est devenu géant. Les légendes, c'est toujours plus flou que prévu.
9- Unbreakable
Toute la tristesse de l'Homme, toute l'importance des héros. Tout Bruce Willis.
8- The 25th Hour
Maintenant on va tous devoir vivre avec le 11 Septembre 2001. On va accepter qu'on a la haine, que ce monde tourne à l'envers et qu'on a pas le droit de passer à côté des gens qu'on aime, quitte à se faire mal.
7- Wall-e
L'intelligence artificielle est-elle notre avenir ? la meilleure réponse à 2001 réside dans ce petit robot. Les Répliquants de Blade Runner ont leur successeur. On sera tous gros, gras et on oubliera. À moins que Pixar continu son oeuvre.
6- The Dark Knight
L'ennemi est ici, à l'intérieur. Inutile de chercher des terroristes à l'autre bout du monde. Nous engendrons nous-même la peur, le désarrois et le chaos. Le sacrifice sera la seule issue.
5- The Devil's Rejects
Le cinéma des 70's est bel et bien de retour. la preuve avec ce film énervé, sans règle, puissant, abouti. Qui dit merde à tous, qui montre les monstres tels qu'ils sont, et qui n'a peur de rien. Le Rock'n'Roll est comme le Western, immortel.
4- De battre mon coeur s'est arrêté
Tyler Durden affirmait à raison, on est une génération d'hommes élevés par des femmes. Heureusement que Jacques Audiard vient nous rappeler qu'il y a des exceptions. La France meurt mais ne se rend pas.
3- We Own the Night
Parce qu'un homme qui ne s'occupe pas de sa famille ne sera jamais vraiment un homme. La famille n'est plus l'épicentre de la société. James Gray en est désolé, pas son cinéma. Le plus beau titre de la décennie.
2- No country for old men
Que nous reste-t-il si on ne place notre foi en l'avenir uniquement dans une valise pleine de dollars ? Leone nous posa la question, personne n'a répondu. Les frères Coen donnent un visage au Mal, à son implacable jugement. L'avenir, C'EST les dollars. Josh Brolin est admirable et Tommy Lee Jones rêve que tout cela va finir. Très mal.
1- Miami Vice
Des thèmes éternels. La solitude, l'amour, la mort. La forme du futur. Mann réalise son meilleur film, pousse ses obsession dans leur retranchement, au point qu'on trouve dans ce polar ultime tout ce qu'on avait jamais pu voir ni ressentir avant. Hypnotique, comme le temps qui passe. Honnêtement, les mots me manquent. Ce film est une expérience viscérale, intime.
Sont passés tout près de cette liste : The Mist (LE film d'épouvante le plus fort depuis The Shining), Adaptation (meilleur film sur le cinéma depuis Last Action Hero), An History of Violence (formidable récit sur notre relation amour/haine à la violence), Punch Drunk Love ( la crise de la trentaine parfaite), La Vie Aquatique (poésie, mélancolie et obsession), Mystic River (on ne sera plus jamais des enfants).
Sonny